[Précédent (date)] [Suivant (date)] [Précédent (sujet)] [Suivant (sujet)] [Index par date] [Index par sujet]
Linux: entre le cousin Bob et l'oncle Bill
- To:
- Subject: Linux: entre le cousin Bob et l'oncle Bill
- From: (Gilles Pelletier)
- Date: Sun, 30 Jan 2000 00:18:18 -0500
Linux: entre le cousin Bob et l'oncle Bill
(Le passage cité était dans le fil: CD Debian ?)
[email protected] (Vincent Brousseau) écrivait/wrote:
>Cessons ces comparaisons futiles, Debian s'adresse à un public
>particulier qui lui sera toujours fidèle. Point. Un groupe d'utilisateurs
>qui sait profiter de la puissance de la console.
Voilà une opinion bien catégorique, mon cher Vincent. Fabien Ninoles
semble toutefois la partager puisqu'il m'écrivait «Comme le dit le
slogan de Debian-In-A-Box (le package deal de VA et O'Really), Debian
est surement la derniere distro que vous achetez sur CD.»
Une fois encore, il semble que je sois le seul de ma paroisse! Mais
j'espère toutefois que tu me permettras de rappeler un peu l'histoire
de Linux.
Au début, on ne pouvait obtenir Linux que sur l'internet et je suppose
que lorsque Stallman a concocté la license GPL, il ne pensait vraiment
pas que quiconque pourrait fonder une compagnie sur de telles
prémisses légales. Arriva Bob Young(1), qui décida qu'il offrirait la
distro sur CD et qu'il ferait payer pour «le service». Comme on le
sait, l'impensable a fonctionné, et tout le monde a suivi: Suse, Turbo
Linux, Caldera, you name it!
(1) Avec des noms comme Robert LeJeune, digne émule -- c'est lui-même
qui l'a dit, ici-même à Montréal! -- de William Barrières, on a des
noms dignes des meilleurs romans de cap et d'épée!
Bah! Des compagnies, ce n'était toujours pas bien grave, cela allait
faire mousser les affaires de Linux d'une autre façon. Linux n'était
tout de même pas coté à la bourse!
Seulement voilà, les affaires du cousin Bill n'allaient pas aussi bien
que celles de l'oncle Bob. Plus précisément, Redhat courait à la
faillite (Voir: http://altern.org/gipe/rep_pdr.html#note3 ). D'une
part, il apparaissait qu'il n'était absolument pas nécessaire que le
service se fasse à partir de Durham, N.C. : n'importe qui à travers le
monde peut le faire n'importe où à travers le monde par l'internet.
D'autre part, pour le Desktop, Mandrake offrait une distribution plus
facile à installer et moins chère (via MacMillan, particulièrement).
Enfin, ce fut la cerise sur le sundae, Mandrake a commencé à mettre
des fichiers iso sur l'internet: il n'y avait plus besoin de connaître
les fichiers à choisir pour télécharger.
Mais Linux avait le vent dans les voiles, Red Hat était le nom le plus
connu, l'oncle Bill se retrouvait dans une position inconfortable
devant le DoJ ; le cousin Bob a décidé de jouer le tout pour le tout
et d'introduire Redhat en Bourse. D'environ 1.25$ en mai 1999 (avant
l'introduction), les actions sont passées à 302$ en décembre.(1) Le
cousin Bob est devenu multi-milliardaire comme son idole en l'espace
de quelques mois. (2 milliards, c'est «multi», non?)
(1) On peut consulter la valeur de Red Hat à finance.yaboo.com. Le
ticker est rhat. Ne désespérez encore tout à fait de la valeur des
actions, il y a eu un «split» 2 pour 1, il y a quelques semaines.
Comme le faisait remarquer Jeff Evans dans le Computer Paper de
février 2000, «(...) the IPO (Initial Public Offer) industry in the
U.S. is a monumental insider scam, where the big players have access
to the stocks as they are issued, pocket the initial profits, and
"cash out", selling the stocs at inflated prices to smaller
investors.» Les actions, qui ont rapporté 14$ à Red Hat ont été
offertes la première journée en bourse par les «big players) à 48$,
finalement sans aucun risque.
L'affaire était tout de même excellente, puisque les actions ont
grimpé à 302$ Mais depuis, le menu fretin a commencé à casquer. (Et
les caisses de retraire, les fonds mutuels, etc.) Aujourd'hui
(29/01/2000), l'action est rendue à 227.75 $ (s'il n'y avait pas eu de
split). Et c'est pas fini!
C'est tout de même un petit changement de philosophie, non? Comme le
dit encore Evans,
«[Linux] was supposed to be freedom from Microsoft monopoly. The open
source software movement began as an anti-capitalist, neo-hippy
alternative to the increasing impersonalisation of personnal
computing.
There was always a utopian subculture within computing, devoted to
"making information free", and to playfully gumming up the gears of
big business and big government. Very bright people devoted their time
and talent to writing and sharing Linux software code, (...) without
any nonsense about copyright or intellectual property. As 1999 drew to
a close, however, the communitarian ethic of Linux appeared to be
dying as dollar signs replaced peace signs in Linux lovers' eyes.»
Jeff Evans, cet indécrottable passéiste, fait-il trop de philosophie?
Les choses vont-elles si bien chez Debian? Bien que je ne sois pas un
Debianiste comme Fabien Ninoles, il m'arrive d'aller faire un tour à
http://www.debian.org .
Je crains qu'il y ait des problèmes chez Debian... Des gens qui
menaient le projet ont démissionné et les équipes de remplacement
n'ayant pas été suffisamment formées, la sortie du noyau 2.2 a pris
tellement de retard que c'est tout juste s'il sortira avant que les
autres distributions sortent le 2.4. Ce qui s'est passé, on ne le sait
pas exactement, mais j'ai l'impression que certains en ont eu
raz-le-bol de coder pour rien. Corel avait peut-être de meilleure jobs
à offrir. So, «Get-it!»
Chez Netscape, c'est apparemment encore pire. Imaginez! Quand les
développeurs auront fini de mettre Netscape à jour, AOL, qui ne
distribue toujours que Internet Explorer, va mettre la main dessus: il
y aura une version Mozilla, celle des développeurs, et une version
Netscape, celle d'AOL. Alors que AOL vient de fusionner avec Time
Warner, il est facile de deviner ce qui va se produire: on va ajouter
un petit «moteur» hyper-propriétaire pour l'achat en ligne de musique,
de films, etc. Ceci rendra Mozilla complètement dépassé... à part pour
les gens qui ne font jamais d'achats en ligne.
Stallman a certainement fait du bon boulot en esquissant la license
GPL, mais rien ne dure pour toujours si personne n'y met la main. Je
pense qu'il serait grand temps que Linux-Québec ne fasse plus ses
installfests presque exclusivement à partir de Red Hat. Pour que
survive l'esprit Linux, il serait bon de mettre Debian sur la table.
Certains «packages» ont beau ne pas être vérifés côté stabilité et
sécurité, ils ne sont pas essentiels et il n'y a qu'à ne pas les
inclure. (De toute façon, il y en a je ne sais combien de gigs de ces
utilitaires!) Si le noyau Potato n'est pas fin prêt, c'est tout de
même celui dont Corel se «contente», et la mise-à-jour est apparemment
facile à exécuter. Puisque la vaste majorité des internautes n'ont pas
encore accès à la haute vitesse, qu'ils ne savent pas exactement
comment installer à partir d'un download, un CD qui offrirait une
installation plus légère avec WindowMaker ou SawMill -- le choix de
Fabien! -- serait bienvenu.
Si certains fins esprits fréquentent toujours cette conférence, on me
suggérera sans doute, comme au sujet du didacticiel, de faire moi-même
le CD. À cela, je répliquerai «Give the sucker an even break!» Linux
n'est pas le Saint Graal, il y a d'autres sujets d'intérêt en ce bas
monde.
Ces derniers jours, j'ai assisté en cour supérieure à la poursuite
intentée par Gertrude Gail Kastner contre l'hôpital Royal Victoria (on
se rappelera cette affaire de «lavage de cerveaux») et, si Dieu me
prête vie, j'ai l'intention de produire une page sur la façon
partielle dont nos tribunaux traitent des affaires des services
secrets (Dans le sens où on accepte qu'il y ait des choses secrètes
dont on ne peut faire état pour reconstituer «la réalité». D'où des
procès qui n'ont ni queue ni tête.)
À ce procès, à mon avis extrêmement important, je n'ai pas rencontré
un seul amateur de Linux. Quelle surprise! À part quelques
journalistes qui l'ont suivi par bribes et le fils de la victime,
j'étais le seul citoyen présent. Une fois encore, on se désintéresse
de la chose publique et les nouvelles technologies sont en passe de
servir un nouveau totalitarisme extrêmement insidieux.
Comme en témoigne mon site, j'ai aussi quelques autres sujets de
préoccupation auxquels je consacre passablement de temps. Entre
autres, il y a notre système d'éducation qui est depuis longtemps
parti à la dérive. Cela a des conséquences qui se font sentir dans
tous les secteurs de la société.
Et... j'ai malgré tout écrit un didacticiel Linux qui, pour être
l'oeuvre d'un débutant, ne me semble pas piqué des vers. Personne n'a
daigné y ajouter une seule ligne. (http://altern.org/gipe/linux.html)
À force d'user de vains prétextes, le futur de Linux se jouera entre
les «puissants», les oncles Bill et les cousins Bob.
Gilles Pelletier
--
La Masse Critique
http://altern.org/gipe
Rencontrez Néfertiti, Einstein, Tocqueville, etc.