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Si les fenetres se ferment...



Il y a de cela très longtemps, dans les années '70, les jeunes
croyaient à l'indépendance dur comme fer. Ils chantaient «Québécois,
Nous sommes Québécois, Le Québec saura faire, S'il ne se laisse pas
faire.» Les fleurdelisés flottaient partout vaillamment,
l'enthousiasme était à son apogée.

Et bien sûr, j'étais de la partie. Je croyais à l'indépendance, et
certainement pas moins que les autres, à ce qu'il me semblait.
Pourtant, on me reprochait parfois mon manque apparent d'enthousiasme.
Et je dois confesser que je n'étais pas celui qu'on retrouvait le plus
souvent aux rassemblements avec un drapeau à la main. 

Les drapeaux, je ne voyais pas trop ce qu'ils venaient faire dans
l'affaire. Il me semblait y avoir des choses beaucoup plus importantes
auxquelles personne ne portait attention. L'éducation, par exemple. En
un mot, j'avais par rapport à l'indépendance le même «quant à moi» que
par rapport à Linux.

Jacques Parizeau vantait hier au Point la façon expéditive avec
laquelle notre système d'éducation a été mis sur pied. Il fallait des
ingénieurs, des couleurs de béton pour Hydro-Québec! Mais fallait-il
pour autant couler le système d'éducation lui-même dans le béton?
C'est pourtant ce qu'on a fait, avec les résultats que l'on connaît.

Dans son éditorial du 24 juin, Bernard Descôteaux, le directeur du
Devoir, écrivait:

« Il y a maintenant 18 ans, depuis le rapatriement de la Constitution
en 1982, que le Québec vit en marge du reste du Canada et que se
renforce la conviction des Québécois de former une société à ce point
distincte qu'elle forme  " une nation qui doit poursuivre son
affirmation " (...) »

Hélas, il y a de moins en moins de gens qui partagent cet avis. Même
les plus fervents parmi les indépendantistes de la première heure
affichent maintenant un sourire triste lorsqu'on prononce le mot
indépendance. Avec le virage démographique causé par la dénatalité et
l'immigration, et surtout, avec le «mauvais gouvernement» que nous
avons actuellement, la possibilité de faire l'indépendance s'est
évanouie. (Ajoutons à cela certaines «malchances». Imagine-t-on un peu
ce qui se serait passé si le PQ ne s'était pas presque disloqué après
la course à la chefferie qui a suivi les «grandes fatigues» de M.
Lévesque? Enfin...)

D'ailleurs, vu l'importance prise ces dernières années par le pouvoir
économique, une indépendance sur papier ne serait plus qu'un vain mot.
Les enjeux sont ailleurs. Un projet politique est comme le lancement
d'une navette vers un astre lointain, il ne peut s'effectuer que dans
une certaine «fenêtre» de temps. Au-delà, on raterait la cible.
(Voir mon commentaire à Bernard Descôteaux:
http://pages.infinit.net/mcrit/independance.html )

Et pourtant, des projets pour une indépendance sans doute bien plus
réelle, il s'en présente toujours. La réforme de l'éducation en serait
un et, bien évidemment, Linux aussi. Se libérer du logiciel
propriétaire, où un bout de code devient soudainement inaccessible
parce que quelqu'un l'a «inventé» auparavant, est un enjeu
fondamental, d'autant plus lorsqu'il s'agira de breveter les normes
pour les communications ou les transactions électroniques. Cela va
bien au-delà de l'indépendance du Québec. C'est le monde libre qui
risque de basculer.

On comprendra donc que je m'inquiète de cette nouvelle levée de
drapeaux qui agite le monde Linux, ces drapeaux qui cachent les vrais
enjeux. Pondre du bon code, c'est très bien, mais, comme on le sait,
ce ne sont pas toujours les meilleurs produits qui prennent le dessus
sur le marché. Il faut apprendre à les faire valoir, à démontrer leur
supériorité.

Or, où était la communauté Linux lorsque CAM est passé d'une
administration (dans les faits) privée au statut d'OSBL? Quelle
merveilleuse occasion il y avait pourtant là de démontrer que Linux
fonctionne, que les «extensions Frontpage» ne sont qu'une misérable
bébellomanie par rapport aux scripts Perl!

Où est encore la communauté Linux quand il s'agit de construire un
outil de référence solide au lieu de continuer à «penser avec ses
doigts»? 

Et nos «intellectuels», indépendantistes à tout crin, comprennent-ils
vraiment les enjeux?. Comment Le Devoir peut-il être assez aveugle
pour promouvoir l'«I»ndépendance en vantant le mérite démocratique
d'une AG illégale chez CAM et en laissant Cogito Dumais prétendre que
Linux n'est qu'une alternative parmi tant d'autres?

Qu'on le veuille ou non,  l'agitation des drapeaux ne change rien aux
faits, à la réalité qu'on laisse benoîtement se détériorer.
J''explique ici depuis longtemps que les médias répéteront bientôt au
sujet de Linux ce qu'ils m'ont dit au sujet des OSBL: «De toute façon,
ces affaires-là, c'est toujours comme ça, ça marche jamais.» Ainsi se
renforcera la conviction déjà bien ancrée que seul fonctionne ce qui
se plie à la logique capitaliste, une logique d'assujettissement plus
implacable encore que le féodalisme.

Alors, s'il reste ici des jeunes -- et des moins jeunes, je l'espère
-- qui nourissent un idéal, je les invite à considérer où se situent
«les faits». Linux progressera-t-il uniquement avec du bon code, le
houpla des revues et les fonctions de recherche qui apparaissent et
disparaissent, ou ne vaudrait-il pas mieux s'atteler à une «promotion»
plus terre-à-terre?

On l'a dit, il n'y a pas de véritable LUG à Montréal. Combien de temps
encore Linux-Québec servira-t-il de prétexte à ne pas en créer un?
C'est que, bientôt, il pourrait bien ne plus y avoir de fenêtres pour
lancer de nouveaux projets.

GP
--
La Masse Critique
http://pages.infinit.net/mcrit
Rencontrez Néfertiti, Einstein, Tocqueville, etc.