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Re: La libre diffusion des connaissances



En relisant mon topo sur la diffusion des connaissances, je me suis
aperçu que j'avais peu touché à la dimension internationale, là où
c'est bien évident que tout notre effort a porté.

Prenons l'Afrique, par exemple, un continent qui déborde de toutes les
richesses imaginables: or, diamants, pétrole, etc. En plus d'un
siècle, est-ce qu'on n'a pas donné un sacré coup de main à ces gens
pour qu'ils puissent prendre en main le développement de leurs
richesses naturelles? Les plus vieux se souviendront peut-être de la
Sainte-Enfance et des 25¢ que les élèves des écoles envoyaient aux
missions. N'y avait-il pas même quelques dessins de ces écoles dans
Tintin au Congo?

Mais, est-ce notre faute si les nègres ne peuvent rien apprendre? (Ça.
c'est pour donner l'occasion d'une réponse à ceux qui se délectent à
tout prendre au premier degré, l'engueulade étant apparemment le seul
genre de réponse auquel j'aurai droit.) D'ailleurs on leur a si bien
découpé leurs pays, juste avant de partir, qu'ils font la fête depuis.

Il y en avait d'autres qui ont été de bien meilleurs élèves,
cependant. Prenons les Irakiens. Eux, ils ont estimé qu'il serait bon
d'ajouter un peu de valeur à leur pétrole avant de l'expédier, de le
transformer en engrais, par exemple. 

Et puis, une fois qu'on a des labos chimiques, pourquoi ne pas donner
dans le bio-chimique et se vacciner entre musulmans? Est-ce que nous
laisserions nos enfants se faire vacciner avec des vaccins produits en
Irak, en Iran ou en Lybie? Et bien, là-bas, ils ne veulent pas non
plus comprendre comment nous sommes de bons Chrétiens.

Évidemment, quand on a de tels labos, on est aussi en mesure de
produire des armes chimiques et bactériologiques. On a bien tenté
d'expliquer aux Irakiens qu'ils n'avaient pas besoin de cela: on a
tous les labos qu'il faut ici et, tout près de chez eux, il y a Israël
qui se spécialise dans le domaine, avec la bombe A en plus! Merde!
C'est bien beau de diffuser la connaissance, mais à quoi ça sert de
déboubler la recherche, quand de bons copains la font pour vous?

Alors, comme les Irakiens ne voulaient rien comprendre, toujours en
bons Chrétiens, nous leur avons fait la leçon: éducation toujours et
encore! Nous les avons gentiment bombardés avec une substance appelée
uranium appauvri (UA, DU en anglais, pour depleted uranium) et dont
les propriétés sont bien connues ici puisque la connaissance est
largement diffusée. Répétons tout de même pour les nabots...

L'uranium se situant à fin du tableau périodique, il a la plus forte
masse de tous les éléments: il paraît que c'est très commode lorsqu'on
a un char blindé en face de soi.  Sauf qu'on s'en est servi presque
exclusivement pour bombarder des airs à une altitude où les avions ne
peuvent être atteints. On en a même largué quelques chargements dans
l'Adriatique, question de vider nos cours de stockage et de faire
tourner l'industrie militaire. 

Et l'UA n'est presque pas radioactif, disaient les militaires. Sauf
que la demi-vie de l'UA est de 4 milliards (pas millions!) d'années,
que lorsque les obus atteignent l'objectif, ils prennent feu et
produisent une fine poussière qui se répand dans l'environnement, des
champs jusqu'à la nappe phréatique et que le peu de radioactivité
finit par vous circuler dans les veines avant même votre naissance.
Petit bonus, la divine substance est aussi hautement toxique, autant,
sinon plus, que le plomb ou le mercure!(1)

Que d'éducation nous faisons! Jamais notre combat n'a connu de répit.
Si nous avons chassé le Viet, assassiné Allende, miné les ports du
Nicaragua, vendu du crack aux enfants pour financer les contras,
établi un blocus contre Cuba, bombardé la Yougoslavie, c'était
toujours pour mieux diffuser la connaissance. Et, toujours et partout,
nous avons été largement informés du déroulement de ce vaillant
combat!

Alors, quand notre gouvernement -- car, y en a-t-il vraiment un au
Canada? -- dit qu'il s'oppose aux pratiques déloyales de Microsoft, on
peut compter sur lui. Rien ne lui est plus cher que la libre diffusion
des connaissances. Quant à Linux, c'est très utile pour jouer au
bridge: aucun enjeu politique n'y est relié .

Alors, continuons notre croisade éducative! L'installation de Linux a
beau se faire automatiquement, au premier problème, la connaissance
doit être à la disposition de tous: en premier, évidemment, un lien
vers les HOWTO, puis toutes les commandes du shell, tout sur vi, tout
sur Emacs, tout sur tout. Qu'il ne manque rien! Si Windows propose un
petit livret de 50 pages, offrons cinq livres de 500 pages sur CD! Que
le débutant se délecte au cross-referencing de tout ça! Finie l'ère de
la vaine pédagogie, empilons! 

Quel plaisir que de voir le monde enfin revenir au bon sens et faire
fi de tout cet emberlificotage politique des années 70! Vive la
réalité pure, nette, aussi objective que le code qui fait tourner les
machines! Nous pouvons dormir à poings fermés, le meilleur code
prévaudra et personne ne cherche à brouiller les cartes.

Qu'on se le dise, l'avenir est à la libre diffusion des connaissances,
bis et bises!


Note:

Mon bon copain de collège, Jean Pelletier -- fils de Gérard Pelletier,
le ministre -- qui est monté en grade à force de bons gestes jusqu'au
poste de directeur de l'information télé de la SRC, m'a pourtant écrit
qu'il ne voyait pas comment on pourrait saupoudrer de l'UA à la
grandeur d'un pays. L'Information, c'est bien beau, mais il faut tenir
compte des problèmes de budget: le sien ne lui permettant pas de se
payer le métro jusqu'à l'université la plus près, il n'a pu
s'informer. C'est Pierre Sormany, réalisateur de Découverte, qui m'a
informé de ce que... la CBC faisait un reportage à ce sujet.

Pourquoi lasser les gens avec les détails? N'a-t-on pas déjà assez
entendu parler de toutes ces guerres? Ce qu'il faut comprendre, c'est
qu'à partir du moment où on bombarde avec une substance, ses
propriétés ne tombent plus dans le domaine de la connaissance, mais
dans celui de la politique. Elles perdent, de ce fait, tout intérêt.

Il y a tellement de sujets sur lesquels on se serait autrefois attardé
et qui, Dieu merci, ne sont aujourd'hui plus d'intérêt. Prenez les
«grandes fatigues» et des «grandes colères» de René Lévesque, et ses
insomnies avant les conférences constitutionnelles? Autrefois, on se
serait demandé si cela n'a pas quelque chose à voir avec ces histoires
de «wavies». On aurait examiné comment on s'y prenait pour interner
les discidents russes dans des asiles psychiatriques. Etc. 

Aujourd'hui, on en a fini avec ces vétilles. Il n'y en a plus que pour
la vraie réalité, et surtout, que pour les faits d'une importance
significative: did or didn't Bill smoke the cigar?

GP
--
La Masse Critique
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Rencontrez Néfertiti, Einstein, Tocqueville, etc.