Suite au message cité en rubrique et après avoir moi-même tenté en vain d'écouter la première chaîne francophone de Radio-Canada sur Linux, j'ai eu envie de leur écrire sérieusement. Je partage ici mes propos à leur endroit. ---------- Message transmis ---------- Subject: Diffusion radio publique par Internet Date: 9 Novembre 2004 10:43 From: Eric Martel <[email protected]> To: [email protected] Cc: [email protected], [email protected] Bonjour, D'abord, je tiens à souligner d'entrée de jeu que le présent courriel n'est pas une requête d'aide technique, mais bien une critique face aux choix technologiques effectués par la radio francophone (et non anglophone) de Radio-Canada pour sa diffusion par Internet, lesquels choix, par discrimination technologique, privent potentiellement des milliers de Canadiens de ce média de diffusion. J'ai récemment tenté d'écouter la première chaîne francophone de Radio-Canada par Internet, sans succès. Surtout, n'allez pas croire que je sois néophyte en matière d'informatique, puisque j'en ai fait une profession. Non: le problème provient du fait que le système d'exploitation que j'utilise est Linux, alors que la diffusion de votre radio se fait sous format Windows Media. J'ai bien lu votre FAQ à ce sujet sur votre site, accessible à l'adresse http://www.radio-canada.ca/util/aide.asp et en tapant «linux» dans la boîte de recherche, aussi inutile de m'y rediriger. Cette FAQ diffuse de l'information qui, pour un lecteur averti, tombe complètement en dehors du bon sens. Par exemple, on y lit: «L'adoption de la technologie Windows Media est d'abord et avant tout inscrite dans une logique de saine gestion des fonds publics. La technologie Windows Media est comprise gratuitement dans les serveurs Web de Microsoft, tout en offrant une qualité sonore équivalente à d'autres formats. Radio-Canada ne paie aucune redevance pour l'encodage ou la préservation de ses contenus dans ce format.» Les technologies Microsoft sont, par leur essence même, coûteuses: bien que la technologie Windows Media soit comprise «gratuitement» (sic) dans les serveurs Web de Microsoft, le serveur Web, lui, n'est pas gratuit! Ce serait un peu comme dire qu'une voiture que l'on achète plusieurs milliers de dollars vient avec un coffre à gants gratuit... En comparaison, le serveur Web le plus utilisé dans le monde et par l'industrie, soit Apache (69% de tous les serveurs Web dans le monde; voir http://www.dwheeler.com/oss_fs_why.html), reconnu à la fois pour sa très grande stabilité, sa sécurité et ses performances, est, lui, véritablement et complètement *gratuit*, puisqu'il s'agit d'un logiciel libre. Alors, pourquoi alourdir les fonds publics d'une technologie coûteuse quand une solution libre et gratuite qui a fait ses preuves et majoritairement utilisée dans le monde est disponible? En tant que citoyen averti, ce choix de technologie me démange tout autant qu'il démange mon portefeuille, surtout lorsqu'il conduit à l'impossibilité pour des gens comme moi d'écouter la radio de Radio-Canada par le biais d'Internet, alors qu'avec des solutions libres -- vraiment gratuites et universelles celles-là -- les restrictions que je vis actuellement n'existeraient pour aucun Canadien. Mais votre FAQ dit encore: «C'est une technologie largement répandue, disponible sur une diversité de plateformes, toutes versions de systèmes d'exploitation confondus (Windows, Mac, Solaris). Le logiciel gratuit est téléchargeable à l'adresse windowsmedia.com/download.» Faux. D'ailleurs, lorsque je me rends sous ladresse mentionnée, je reçois le message d'erreur suivant: «Your operating system is not currently supported by Windows Media Player.», car je suis sous Linux. Et Linux n'est pas Solaris... En fait, ce qu'il faut comprendre, c'est que le format Windows Media est un format *propriétaire*, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un format qui appartient à quelqu'un (ici, la compagnie Microsoft). Dans ce cas précis du format Windows Media, non seulement le format est-il propriétaire, mais il est de plus fermé: Microsoft n'a jamais rendu publiques les spécifications techniques de ce format, empêchant ainsi quiconque de facilement créer un logiciel qui ferait concurrence au logiciel Media Player de Microsoft pour lire ce format de fichier. Si certains logiciels libres tels que MPlayer et Xine ont pu jusqu'à un certain point implanter la lecture du format Windows Media, c'est uniquement grâce à un travail de «reverse engineering» de la part d'informaticiens futés, et non grâce à la collaboration et au bon vouloir de Microsoft, laquelle n'est d'ailleurs certainement pas heureuse de cet état de fait. Et d'ailleurs, malgré mes efforts, je n'ai pas réussi à utiliser MPlayer ni Xine pour écouter en ligne la première chaîne francophone de Radio-Canada, et votre FAQ ne m'a aucunement aidée en ce sens. À l'opposé, il existe des technologies de diffusion réellement universelles, vraiment disponibles pour toutes les plateformes, robustes, d'une excellente qualité audio et 100% libres et gratuites, de sorte qu'en tant que professionnel de l'informatique, je me perds en conjectures pour comprendre votre choix technologique. D'ailleurs, la chaîne anglophone de Radio-Canada diffuse depuis peu dans un tel format ouvert et librement accessible par tous, soit le format ogg (voir http://www.cbc.ca/listen/ogg.html et http://www.vorbis.com/faq.psp). Bien que CBC prétende sur son site qu'ogg soit un nouveau format, il s'agit en fait d'un format existant depuis près de dix ans déjà. Linux est un système d'exploitation libre de plus en plus en vogue; une des raisons de son succès est que, contrairement aux technologies propriétaires comme celles de Microsoft, toutes ses spécifications sont ouvertes et accessibles publiquement, ce qui incite d'ailleurs les gouvernements du monde entier à y regarder de plus en plus près, puisque Linux leur permet d'avoir à très peu de frais un système d'exploitation exceptionnel sur lequel ils peuvent exercer un plein contrôle. Et puisque la très grande majorité des distributions Linux sont disponibles gratuitement sur Internet (et ce tout à fait légalement, puisqu'il s'agit de produits libres; voir http://www.linuxiso.org/), cela ajoute considérablement à sa popularité sans cesse grandissante dans la population en général, au Canada comme ailleurs. En parallèle à Linux, des logiciels et des formats de fichiers libres et ouverts sont disponibles, souvent pour toutes les plateformes, qui permettent un échange universel de l'information, sans discrimination de système d'exploitation ou d'architecture matérielle. Déjà en 1998, dans un rapport interne depuis rendu public, Microsoft elle-même écrivait (entre autres choses allant dans le même sens) que «The intrinsic parallelism and free idea exchange in open source software has benefits that are not replicable with our current licensing model» (voir http://opensource.org/halloween/). Si Microsoft elle-même reconnaît un avantage concurrentiel aux logiciels libres, pourquoi la radio d'État n'en fait-elle pas de même? Il me semble que Radio-Canada, non seulement «dans une logique de saine gestion des fonds publics» (sic), mais aussi dans l'optique d'une démocratisation des choix technologiques, devrait prendre des décisions en ce sens et ce, afin de permettre à un maximum de Canadiens de profiter de la diffusion de sa première chaîne francophone par Internet. En vous remerciant de votre attention, veuillez agréer, Monsieur, Madame, l'expression de mes sentiments les meilleurs. -- Eric Martel Sainte-Foy (Québec) Canada Ce courriel est signé numériquement avec la clef suivante: This e-mail is digitally signed with the following key: ED3F191C (key://pgp.mit.edu, http://key.ericmartel.net/) Empreinte/fingerprint: 023D EFB7 8957 CBC0 C4E7 243D F01E D8A8 ED3F 191C
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